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Commentaire d’arrêt rendu par la Cour de cassation, Chambre criminelle le 12 avril 2022, publié au bulletin : Crim. 12 avr. 2022, n° 21-83.696

Thèmes : déchets dangereux // dépôt illégal // infraction pénale // délai prescription // CRPC // action publique 

L’abandon et le dépôt illégal de déchets sont encore trop présents sur le territoire français, impactant toute la population et alimentant les juridictions répressives. Les conséquences sont multiples tant au niveau environnemental (pollution des sols, pollution de l’air, pollution de l’eau, destruction d’habitat sauvage etc.), qu’au niveau de la santé publique (contamination de l’eau et de la chaîne alimentaire, propagation des gîtes larvaires responsables de propagation d’épidémies etc.). La lutte contre le dépôt illégal de déchets est une priorité d’ordre environnemental et de santé publique. 

Un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation précise le point de départ du délai de prescription de l’infraction de dépôt illégal de déchets lorsque les faits ont été commis de manière occulte ou dissimulée.
Notre analyse : 

En l’espèce, une société a été poursuivie du chef d’abandon et de dépôt illégal de déchets dangereux, pour avoir, entre le 1er janvier 2002 et le 31 janvier 2006, sur le territoire de plusieurs communes du Calvados, déversé des résidus de broyage automobile dans des sites non habilités pour les recevoir.

Le tribunal correctionnel a constaté l’extinction de l’action publique du fait de la prescription et déclaré l’association (de protection de l’environnement) irrecevable en sa constitution de partie civile.
Cette dernière a interjeté appel de cette décision. 

Pour mémoire, l’article L541-46 I. 4° du code de l’environnement dispose que : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 00 euros d’amende le fait de : 4° Abandonner, déposer ou faire déposer, dans des conditions contraires aux dispositions du présent chapitre, des déchets »

L’arrêt d’appel a rejeté l’exception de prescription de l’action publique en énonçant que si en principe le point de départ de l’action publique doit être fixé au jour de la commission de l’infraction, il en va différemment en cas d’infractions occultes ou dissimulées. En effet, au cas présent, le dépôt de déchets revêt un caractère occulte se traduisant par la dissimulation du dépôt desdits déchets dangereux enfouis ou dissimulés sous une quarantaine de centimètres de remblais, d’autres encores ont servi de remblais sur un terrain destiné à être cultivé.

La Cour relève en outre que l’existence de ces déchets était ignorée des utilisateurs de ces terrains. La présence des déchets dangereux dans les remblais n’apparaissait pas sur les factures et les enquêteurs n’ayant pu retracer leur cheminement et leur importance qu’à travers la comptabilité analytique de la société. 

Une application prétorienne du délai de prescription étendu des infractions occultes ou dissimulées

La Cour confirme l’interprétation de l’arrêt d’appel déduisant que le point de départ de la prescription doit être fixé au mois d’octobre 2008, date de la dénonciation des faits par une association de défense de l’environnement concernant un des sites et qui a conduit à la découverte des déchets sur les autres sites :

« Le délai de prescription de l’action publique ne commence à courir, en cas de dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l’infraction, qu’à partir du jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice des poursuites. »

Une application consacrée par la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale

Précision importante : les faits jugés au cas présent étaient antérieurs à la loi n°2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale. Désormais l’article 9.1 du code de procédure pénale dispose aux alinéas 2 et suivants : 

« Par dérogation au premier alinéa des articles 7 et 8 du présent code, le délai de prescription de l’action publique de l’infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l’infraction a été commise.

Est occulte l’infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l’autorité judiciaire.

Est dissimulée l’infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte. »

La poursuite des atteintes à l’environnement occultes ou dissimulées bénéficie d’un point de départ du délai de prescription différé. D’autres types d’infractions environnementales en bénéficieront et le raisonnement appliqué par la Cour de cassation dans cet arrêt d’espèce sera transposable à d’autres types de délits. 

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